Né le 21 février 1898, à Limoges dans une famille de militaires, le jeune Henry de Bournazel est très vite attiré par le métier des armes.
Lorsque la première guerre mondiale éclate il n'a que seize ans. Frustré de ne pouvoir s'engager à son âge, il prépare assidûment l'école militaire de Saint-Cyr. En janvier 1916, lorsque son père, colonel, part avec son unité, le 1er régiment de chasseurs d'Afrique, vers le front d'Orient, il lui arrache l'autorisation de s'engager pour le 4e régiment de hussards à Brissac.
Son âge lui interdisant de monter au front, la vie en casernement est loin de lui apporter les joies qu'il
attendait. En juin 1917, jeune brigadier, il est enfin envoyé dans la région de Reims. Toujours
volontaire pour les patrouilles de reconnaissance, il découvre enfin la "vie rêvée", avant d'aller se ressourcer
quelques jours au château de Bournazel, en Corrèze, où il a passé son enfance, puis d'entrer à Saint-Cyr.
En mars 1918, promu au grade d'aspirant, il est affecté au 4e hussards qui fait
bientôt mouvement vers la zone de Château-Thierry. Mais, atteint de la grippe espagnole, il passe quelques
semaines de convalescence au château de ses pères, avant de rejoindre le front en septembre. Il y restera
jusqu'à l'armistice, toujours à la pointe du combat, obtenant brillamment la croix de guerre pour une action
audacieuse le 10 novembre, et faisant encore trois prisonniers le matin du 11 novembre.
La vie en garnison dans la zone allemande occupée fait retomber son enthousiasme. Mais on se bat en Afrique du Nord et il obtient en même temps que le grade de lieutenant, son affectation pour le Maroc et il embarque le 20 juin 1921 sur le Volubilis.
Depuis la mise en place du Protectorat en 1912 par le maréchal Lyautey des mouvements de résistance se
lèvent encore et s'opposent à l'occupation, particulièrement dans les régions montagneuses du Rif, et de l’Atlas.
Henry de Bournazel est affecté en janvier 1922 au 8e spahis algériens à El Arba-Tahala. Il commence
son acclimatation à la vie marocaine en assurant avec son peloton la protection des convois dans les défilés
rocheux. C'est alors que le commandement décide de réduire la "poche de Taza, dans le Moyen Atlas, autour du
village de Skoura, fief de la rébellion.
Henry de Bournazel, muté au 22e spahis marocains, basé à Médiouna, près de Casablanca, va pouvoir
enfin participer aux engagements et à la bataille d'El Mers.
Le repaire des tribus guerrières des Marmoucha et Aït Seghouchen se tient dans le massif du Tichchoukt qui
culmine à 2800 mètres, et la position de Skoura est verrouillée au Sud par le village d'El Mers qui commande
l'accès par le col de Tigoulmamine.
Au mois de mai 1923 sous le commandement du général Poey-mirau, l'encerclement du massif est entrepris, et de
sévères accrochages se succèdent montrant l'opiniâtreté des guerriers adverses.
A l'avant garde, le peloton d'Henry de Bournazel va connaître, le 20 mai, un premier contact
avec l'ennemi pour la conquête de l'éperon de Bou Arfa, au sud du massif du Tichchoukt. La bataille va durer
toute la journée à travers des taillis épais; la confusion s'accroît avec un brouillard intense qui couvre
bientôt la région. Les Berbères chargent au poignard, et les troupes françaises se dégagent à la baïonnette.
De cette journée, Henry de Bournazel a eu sa part de baroud. Déchaîné, grisé, il a chargé à la tête de ses
hommes en chantant, ce qui deviendra pour lui une sorte d'habitude.
Les pertes ont été sévères de part et d'autre et dès le 9 juin, une nouvelle action est entreprise pour prendre
pied sur le plateau de Bou-Khamouj qui domine et défend El Mers. Nouvelle journée de combats très durs dans un
terrain difficile et très boisé. Là encore Henry de Bournazel est de la fête! Pas un instant, il n'a quitté
la tête de son unité qu'il mène à sa façon, vêtu de son uniforme rouge de spahi, téméraire, joyeux, manifestant
un courage et un entrain qu'il communique à ses hommes.
Mais il faut à présent emporter El Mers où l'ennemi s'est replié en force. Dès l'aube du 24 juin, le groupement
se met en marche avec en éclairage l'escadron Bastien, dont l'élément le plus avancé est le peloton du lieutenant
Henry de Bournazel; à huit heures, le commandement donne l'ordre de poursuivre la progression.
Immédiatement l'escadron Bastien est pris à parti de toutes parts; les Berbères surgissent des champs d'orge
engageant le combat à l'arme blanche. Bientôt, le lieutenant Berger est tué et le capitaine Bastien grièvement
blessé.
Henry de Bournazel prend alors le commandement de l'escadron et la direction du combat, et malgré une blessure
légère à la tête, qui lui couvre le visage de sang, il entraîne ses hommes derrière lui, et dans un assaut final
poursuit l'ennemi qui recule. Il atteint le premier le sommet qui domine El Mers et le soir, dans la ville
conquise, sous la guitoune du prince Aage du Danemark, commandant d'une des compagnies de Légion, les jeunes
officiers encore enfiévrés par cette journée tumultueuse se réunissent pour célébrer la victoire.
Déjà lors des combats précédents, l'adversaire avait remarqué ce cavalier en tunique rouge toujours en tête
de ses troupes, mais à El Mers commença de se forger la légende de son invulnérabilité et de sa "baraka".
Affecté dans les goums, dans la région du Riff où le celèbre Abdelkrim El Khattabi rassemble les résistants.
il va conserver sa tenue d'officier de spahis. Certains de ses hommes affirment alors que "sa tunique est
enchantée" en raison de sa chance au combat. Il connaît des heures exaltantes, mais aussi la trahison de
certains partisans. Pourtant son expression favorite reste en toutes occasions "la vie est belle!
Après son mariage en octobre 1927, il passe quelques années en France, est promu capitaine, mais ne résiste pas
à l'appel du Maroc lorsque, à la fin de l'année 1931, des opérations sont décidées dans la région du Tafilalet,
repaire de dissidents.
Une fois le Tafilalet conquis, Henry de Bournazel en est nommé administrateur, et se révèle aussi remarquable
dans la gestion et l'aménagement que dans le combat.
Mais l'occupation du territoire par le makhzen et les troupes françaises n'est pas totale dans le sud marocain
et une dernière opération d'envergure se prépare dans l'Anti-Atlas pour prendre d'assaut le djebel Sagho.
C'est là que résident les derniers groupes de résistants de la tribu Aït Atta.
Les opérations commencent le 13 février 1933. Le 21, Henry de Bournazel entraîne ses hommes à la conquête du
piton rocheux "La Chapelle". Le 28 février, obéissant à l'ordre du général Giraud de recouvrir d'une djellaba
sa tunique rouge, il monte à l'assaut de Bou Gafer et tombe, blessé une première fois, rassemble ses hommes,
repart à la charge, mais il est atteint à nouveau et meurt de ses blessures le 28 février 1933, en plein djebel
Sargho.
Henry de Bournazel fut un héros dans le plus pur sens du terme. Son surnom: "l'homme rouge" hanta longtemps
les imaginations des enfants et des adolescents de l'époque.
Dès 1934 une promotion de l'école de Saint-Cyr sera baptisée "Promotion Bournazel" en sa mémoire.
De nombreuses villes de France ont encore aujourd'hui une rue "Henri de Bournazel".
Le destin d'Henry de Bournazel inspira évidemment de nombreux auteurs, citons entre autres: