Après la première phase de la guerre, du 10 mai au début de juin, il ne restait que 40 divisions françaises à
opposer aux 138 divisions allemandes attaquant dans trois directions, Rouen, Paris et Dijon.
Rappelé en catastrophe de Syrie, le 19 mai, par le Président du Conseil, Paul Reynaud, pour remplacer le général
Gamelin, le général Weygand ne pouvait que constater l’inéluctabilité de la défaite. Dans un rapport au
Gouvernement daté du 29 mai, il l’exprime clairement et le presse de demander un armistice entraînant la
suspension provisoire des combats dans l’attente d’un traité de paix afin d’éviter une capitulation livrant à
l’ennemi l’ensemble des troupes et des armements, y compris la flotte.
Durant la première quinzaine de juin, le Gouvernement, divisé sur les décisions à prendre, essaie désespérément
d’éviter l’inéluctable. Il se replie à Bordeaux le 10 juin. Le 16 juin, Paul Reynaud démissionne. Le Président de
la République, Albert Lebrun, demande au Maréchal Philippe Pétain de former un nouveau gouvernement.
Le 17 juin, le nouveau président du Conseil demande l’armistice à l’ennemi.
Dès la fin du mois de mai, le Haut Commandement prévoit d’organiser en défense toutes les coupures situées
plus au sud avec mission d’en empêcher le franchissement. La ligne de la Loire est ainsi organisée et divisée en
secteurs, placés sous le commandement du général Vary, commandant la IXe Région, et de son adjoint, le
général Pichon.
Fin mai, le secteur de Gennes-Saumur- Montsoreau est confié à l’Ecole de Cavalerie.
La ligne de défense organisée sur la Somme et l’Aisne ayant été percée le 9 juin, les unités rescapées ont
jalonné à l’est comme à l’ouest les avant-gardes ennemies dans un effroyable chaos, mêlant civils fuyant
l’invasion, unités ou petits groupes de soldats, empêchant toute manœuvre d’ensemble.
Les éléments disloqués des DLM et DLC sont regroupés aux environs de Saumur pour être reconstitués. Il devient
évident que la Loire est le seul obstacle sur lequel une ligne de défense efficace puisse être organisée,
notamment contre les éléments légers ennemis lancés en avant pour désorganiser l’ensemble du Pays.
Le 14 juin, l’Ecole est en alerte et organise la défense de son secteur. Quatre ponts permettent le
franchissement de la Loire, d’ouest en est : Gennes, les deux ponts de Saumur et le viaduc du chemin de fer,
Montsoreau.
Le 15, la Direction de la Cavalerie donnait ordre au colonel Michon, commandant l’Ecole, de la replier à
Montauban, ordre qui annulait l’ordre de défense du secteur confié à l’Ecole. Le colonel Michon refusant de
laisser une brèche de plus de 40 km dans le dispositif défensif et de partir sans combattre, envoie le lieutenant
de Gaillard de Lavaldène auprès de la Direction à Vallières-les-Grandes (Loir-et-Cher, 12 km E d’Amboise).
Il obtient de ne faire partir que les personnels inaptes au combat, les cadres et les élèves aspirants restant
pour assurer la défense sur la Loire, puis, mission terminée, de se regrouper dans la région de Montauban.
L’Ecole, creuset des traditions de l’Arme, ne pouvait se dérober à la lutte sans manquer à l’honneur.
Le 17, à l’annonce de la demande l’armistice et de la cessation des combats, le colonel Michon et le chef
d’escadrons Lemoyne, chef d’état-major, convoquent tous les cadres, leur exposent la situation. Tous furent
volontaires de se battre pour l’honneur de nos Armes, sachant bien qu’ils n’avaient aucune chance d’arrêter
longtemps l’ennemi sur la Loire avec un maigre effectif armé de moyens d’instruction et sans approvisionnement
sérieux en armes de guerre et en munitions, en moyens de durer et de vivre en campagne face à une division
semi-blindée allemande, la 1ère division de cavalerie.
Le 18 juin, les éléments non combattants de l’Ecole quitte Saumur pour Montauban.
Les effectifs combattants de l’Ecole comprennent:
Un peloton motorisé aux ordres du lieutenant Garnier est envoyé le 16 juin à 06.00 h. en surveillance à La
Flèche et au Lude, sur les passages du Loir en liaison, à l’est, avec des éléments de la 3° DLM.
Puis, en fonction des renseignements reçus, ils sont reportés sur la ligne Baugé-Noyant avec mission de surveiller
l’axe Château-du-Loir, Château-La Vallière, Noyant dans la nuit du 17 au 18.
Une première phase d’alerte, de prises de contacts avec l’ennemi sporadiques puis générales, les 18 et 19 juin.
Une seconde phase pendant laquelle la résistance des Cadets et de leurs compagnons d’armes cède peu à peu à
l’écrasante supériorité numérique et matérielle de l’ennemi.
C’est surtout au cours de la seconde phase des combats que l’héroïsme et le sacrifice des soldats français
atteint des sommets. Isolés, encerclés, voués à une mort certaine, ils n’ont cessé de se battre jusqu’au bout
provoquant l’admiration de l’ennemi, leur rendant les honneurs et leur laissant la liberté.
Les unités étant en place depuis le 17 et la matinée du 18, les PC s’installent aux emplacements prévus au cours
de l’après-midi du 18.
Vers 21.00 h., le chef de gare de Château-du-Loir téléphone à celui de Saumur qui prévient le PC annonçant que
de fortes colonnes ennemies se dirigent vers Château-La Vallière. Le chef de gare de cette ville confirme les
renseignements en indiquant que la colonne ennemie se dirige vers Noyant. Les éléments de surveillance reçoivent
l’ordre de rentrer et l’alerte générale est donnée.
Les premiers contacts avec l’ennemi ont lieu le 19, vers 00.15 h. au pont nord de Saumur.
Conformément aux ordres, les défenseurs font sauter les ponts les uns après les autres, pont nord de Saumur
(00.20 h.), pont de Montsoreau (02.00 h.), viaduc du chemin de fer (03.00 h.), pont nord de Gennes (16.00 h.),
pont sud de Saumur (19.35 h.), pont sud de Gennes (23.50 h.).
A Saumur comme à Gennes, les brigades restent dans les îles de la Loire, se sacrifiant pour retarder le plus
possible le franchissement du fleuve (Buffévent à Saumur, Desplats à Gennes).
Peu à peu, au cours de la journée du 19, l’ennemi prend contact partout, d’Est en Ouest du dispositif, à Gennes
en fin d’après-midi. Mettant en batterie des pièces de 77 et de 105, et des mortiers (minenwerfer), il a pilonné
systématiquement la ville de Saumur, les voies d’accès et la rive sud de la Loire ainsi que les îles. Faute
d’artillerie, les pièces allemandes sont hors de portée de tirs de contre-batterie. Seuls les abords immédiats
de la rive nord peuvent être atteints par les tirs de mortiers des brigades.
Dans l’après-midi, devant une résistance forte et probablement imprévue sur la Loire, les allemands renforcent
leur dispositif en amenant de nombreuses unités d’infanterie sur la rive nord du fleuve. Cependant, toutes les
tentatives de franchissement sont repoussées.
Les liaisons sont très difficiles. Le poste téléphonique central de la ville est détruit à 17.00 h. Les moyens
radio de l’Ecole, très usagés, sont brouillés par l’ennemi. Les liaisons ne peuvent être assurées que par des
motocyclistes.
Le colonel Michon décide de porter le PC à l’auberge du Marsoleau, à Saint-Hilaire Saint-Florent, point plus
central et plus accessible, permettant aussi d’actionner rapidement le groupe franc du capitaine de Neuchèze
(18.00 h.).
En fin de journée (21.00 h.), violent bombardement de l’île de Gennes et de la rive sud de la Loire. Tentatives
de franchissement de l’ennemi, en barques. L’ennemi est repoussé par la brigade Desplats, aidé des tirs de la
compagnie Roimarmier depuis la rive sud. L’engagement est extrêmement violent. Il semble que l’ennemi tente de
déborder le dispositif de la défense française par l’ouest.
En fin de journée, toutes les positions sont maintenues. Les tentatives de franchissement ont été repoussées.
Les Brigades ont magnifiquement pris le dessus sur un ennemi puissamment armé et mordant.
L’attaque générale ennemie est déclenchée très tôt, le 20 juin, à 04.15 h., particulièrement dans les secteurs de Gennes et de Saumur. Elle commence par un très violent bombardement sur la rive sud, sur les observatoires et sur les voies d’accès à Gennes et à Saumur.
Dans la nuit du 19 au 20, un bataillon d’EAR d’Infanterie de Saint-Maixent – deux compagnies et deux sections
d’accompagnement – aux ordres du capitaine Bleuze est affecté en renfort de l’escadron Foltz et de la compagnie
Roimarmier.
A 04.50 h., l’île de Gennes subit un bombardement intense. De nombreuses barques blindées traversent le bras nord
de la Loire et prennent pied sur l’île. La brigade Desplats et les Tirailleurs se battent désespérément à
l’exemple de leur chef et se font tuer sur place. Desplats, blessé par un éclat d’obus, refuse d’être évacué puis
est frappé de plein fouet par un autre obus.
Roimarmier, le sous-lieutenant Claver et les éléments du Train essayent d’empêcher l’ennemi de prendre pied sur
la rive sud. Sous la pression, Roimarmier tente de se replier par la route de Gennes à Vihiers. Il sera tué sur
place, déchiqueté par un obus.
A 08.00 h., l’escadron Foltz tient la rive sud et interdit le franchissement du bras sud du fleuve. Mais, depuis
le recul de la compagnie Roimarmier, il a un trou dans son dispositif, sur sa gauche, brèche qu’utilise l’ennemi
pour débarquer sur la rive sud. A 13.00 h., sa situation devient critique. Foltz a dû lâcher ses positions sur la
rive. Attaqué sur sa droite et sur sa gauche, il se bat dans Gennes. Le lieutenant Bonnin est abattu par un
allemand, en civil.
A 13.30 h., le lieutenant de Galbert contre-attaque avec un renfort de chars du Groupe Franc permettant de
réoccuper les emplacements de combats sur la rive sud de la Loire.
Débordées sur leur droite, les brigades Lofficier et Maure se replient vers 19.00 h. sur le Thoureil (5 km Nord-
Ouest de Gennes). L’escadron Foltz reçoit un ordre de repli à 19.30 h. conformément à l’ordre général de manœuvre
donné par le général Pichon. Il décroche de Gennes vers 21.00 h. en direction de Doué-la-Fontaine.
Après de violents tirs d’artillerie sur l’île, la rive sud et les arrières de la ville, des bateaux ennemis
commencent à traverser la Loire en amont du viaduc, face à la brigade Noirtin, vers 05.10 h, appuyés par des
tirs d’engins blindés depuis la rive nord. Plusieurs bateaux sont détruits par les tirs des brigades de La Lance
et Noirtin et le groupe de mitrailleuses du lieutenant de Saint-Germain. D’autres réussissent à aborder, coupant
en deux la brigade Noirtin qui remonte sur la falaise.
De nombreuses barques sont signalées traversant la Loire et abordant entre Le Petit-Puy et Beaulieu (faubourg
est de Saumur). Des éléments du Groupe Neuchèze – 3 AMD (sous-lieutenant d’Anglejean), l’escadron moto
(lieutenant Surbezy, sous-lieutenants Humbert et aspirant de La Tour ) – sont envoyés par Distré et Dampierre
reconnaître la situation de l’ennemi, avec mission de le repousser et l’empêcher d’accéder à Saumur et vers le
sud.
Il semble bien que ce soit dans ce secteur que se porte l’effort principal de l’ennemi. L’escadron de Saint-
Blanquat, avec, à sa droite, l’escadron Prim et à sa gauche, l’escadron Surbezy tient la ligne de la ferme
d’Aunis, 1 km au sud de Beaulieu. Le bataillon de Saint-Maixent et les trois pièces de 75 qui font mouvement sur
Milly-le-Meugon sont envoyées sur le Thouet, à hauteur de Chacé.
A 08.30 h., les combats sont intenses. L’ennemi a pris à revers la brigade de La Lance et l’encercle. La brigade
Noirtin est considérée comme perdue. Les AMD du sous-lieutenant d’Anglejean chargent à trois reprises sur la
route de Dampierre à Saumur puis rejoignent la brigade Périn. Les pelotons motos se heurtent à l’ennemi au nord
de Varrains. Humbert est tué. L’ennemi progresse à partir de la rive sud vers Chacé.
Le lieutenant de Buffévent a disparu au cours d’une reconnaissance au nord de la Loire. Il sera enterré par les
Allemands avec l’aspirant qui l’accompagnait. Le reste de sa brigade, traversant la Loire à la nage sera
recueilli par le lieutenant Périn.
A midi, le reste de la brigade de La Lance et les tirailleurs sous le commandement du lieutenant de Saint-Germain
traversent les lignes ennemies et se replient vers Saumur par le château. Les brigades Coadic, Périn et Riedinger,
sous les ordres du lieutenant Périn, s’organisent face au nord et à l’est, barricadant toutes les rues autour du
château et se préparent à la défense de Saumur.
Saint-Blanquat et son escadron son menacés d’encerclement à la ferme d’Aunis. Les deux compagnies de Saint-Maixent
qui devaient venir renforcer son escadron à partir de Chaintré sont bloquées par un tir ennemi à la sortie du
village. Le capitaine Bleuze envoie en avant les chars du lieutenant Pitiot. Ils dégagent l’escadron sur le nord
de la position mais Pitiot est tué dans l’action. A 12.15 h., le bataillon Bleuze commence sa progression malgré
les tirs d’artillerie, de mortier et de mitrailleuses. Le contact avec l’ennemi est pris à 500 mètres au sud de
la ferme. Le bataillon réussit à dégager l’escadron de Saint-Blanquat.
La réaction ennemie est violente. Les chars se heurtent à des canons anti-chars et se replient vers Distré. La
ferme d’Aunis flambe.
Dans l’après-midi, un groupe de deux escadrons de dragons portés aux ordres du capitaine d’Arcier est mis à la
disposition du secteur. L’un des escadrons reçoit pour mission de former un point d’appui à Chacé, le second est
à Fontevrault, en mission de surveillance sur la Vienne.
La ligne de front, Chacé-Champigny, sera tenue jusqu’au soir, lorsque l’ordre de repli général sera donné.
Après les accrochages du matin du 19 juin, des éléments ennemis non identifiés et très probablement civils se
manifestent à l’ouest de l’île au milieu du fleuve. Ils prennent les tirailleurs à revers.
Le 20 juin, de minuit à 04.00 h., tirs d’artillerie sur l’île et la falaise de la rive sud. Venant de l’est de la
falaise, des éléments ennemis tentent de s’infiltrer en direction du poste de commandement. Le lieutenant
Trastour fait une sortie à la grenade. Après l’échec de cette tentative ennemie, les tirs d’artillerie reprennent
de façon nourrie.
Il semble bien, rapports à l’appui, qu’un important réseau d’espionnage fonctionnait dans la région. Des plans
d’attaque avaient été trouvés dans une maison sur la falaise.
Trastour fait renforcer le poste de l’île et réussit, plus tard, à le ramener.
A 22.00 h., l’ordre de décrochage est reçu. Toutes les brigades et une partie des tirailleurs partent à pied,
sans être repérés, vers Fontevrault puis Roiffé.
En raison de la situation, le Général Pichon demande 16.00 h. au Commandant du Secteur d’envisager une
manœuvre de retraite sur la Vienne, soucieux de ne pas faire massacrer inutilement toute la jeune élite de la
Cavalerie. Cette manœuvre commence à 21.30 h.
Elle sera disloquée dès le 21 au matin par une percée ennemie au Port-Boulet (6 km sud de Bourgueil) et dans les
secteurs avoisinants. Les survivants des diverses unités durent se résigner à cesser le combat dans la forêt de
Fontevrault et à être faits prisonniers. Les Allemands les escortèrent d’abord à Bourgueil puis les ramenèrent à
l’Ecole le 30 juin où ils furent internés.
Le 3 juillet, le général allemand Feldt prenait la décision personnelle de libérer les élèves prisonniers.
Encadrés par leurs Officiers, ils furent dirigés sur Loches le lendemain (218 officiers et EAR).
Le 6 juillet, au moment de franchir la ligne de démarcation, l’officier allemand qui commandait le poste leur
fit rendre les honneurs par les troupes allemandes. Ils rejoignirent ensuite Montauban.
Un petit nombre de ces survivants échappèrent à la capture et se raccrochèrent à quelques unités qui continuaient
le combat. Le capitaine Foltz avec ce qui restait de son escadron tint tête à l’ennemi du 21 au 23 juin à
Argenton-le-Château (Deux-Sèvres, 45 km sud-ouest de Saumur), à Bressuire (id° - 60 km sud/sud-ouest de Saumur),
dans la forêt de Secondigny (id° - 14 km ouest/sud-ouest de Parthenay) où il leur fit enterrer leurs armes.
Le lieutenant de Galbert ne cessa le combat qu’après avoir été grièvement blessé en neutralisant deux chars,
seul, à l’arme de poing, bondissant sur les tourelles.
Trente officiers et élèves-aspirants, forçant les lignes ennemies, rejoignirent Montauban le 10 juillet.
Dans tout le Secteur, les pertes de l’Ecole ont été lourdes : 4 officiers, 1 sous-officier, 79 élèves ont été
tués.
Celles des autres unités, Corps Franc notamment, Saint-Maixent, Train, Tirailleurs, l’ont été aussi. Mais le
front a été tenu dans son ensemble.
Le colonel Michon savait la haute valeur morale de ses cadres et de ses élèves. Ils ont tenu, attaquant et
contre-attaquant farouchement, avec panache, acceptant d’avance un sacrifice certain.
Cette conduite valut à l’Ecole la citation à l’ordre de l’Armée suivante:
"Sous le commandement du colonel Michon, reflétant l’âme de son chef, l’Ecole Militaire de la Cavalerie et du
Train, a combattu les 19, 20 et 21 juin 1940, jusqu’à l’extrême limite de ses moyens de combat, éprouvant de
lourdes pertes, prodiguant les actes d’héroïsme et inscrivant dans les fastes de la Cavalerie, une page digne
entre toutes de son glorieux passé. A suscité, par sa bravoure, l’hommage de son adversaire."